top of page

L'INDUSTRIE AGROALIMENTAIRE

L’agro-industrie face aux évolutions des consommations alimentaires : entre résistance et opportunisme

Face aux évolutions des pratiques alimentaires des français (pour certains désacralisant la place des produits d’origine animale) et les nouvelles positions des pouvoirs publics (cherchant un rééquilibrage entre protéines animales et protéines végétales en faveur de ces dernières), les réactions de l’agro-industrie sont variées : d’un côté, les fédérations interprofessionnelles de viande, produits laitiers ou charcuteries défendent leur part de marché en adaptant leur discours aux nouvelles préoccupations des mangeurs; de l’autre, des marques distributeurs surfent sur la vague de la végétalisation de l’alimentation en proposant de nouvelles gammes de produits.

Les fédérations interprofessionnelles de produits d’origine animale : une résistance évolutive

 

On pouvait s’attendre à ce que les industriels spécialisés dans les productions, transformations et distributions de produits d’origine animale fassent de la résistance aux évolutions perçues des pratiques alimentaires. Certes. Ce qui est étonnant, c’est néanmoins de voir à quel point leur stratégie de communication s’attaquent à plusieurs (si ce n’est tous) volets à la fois : nutrition et santé, gastronomie et savoir-faire, sécurité alimentaire et économie, environnement et bien-être animal, ils ont réponse à tout.

Pour traiter le volet santé et nutrition, ces associations s’en réfèrent au programme national nutrition-santé (PNNS 3), quitte à occulter les débats autour des nouvelles recommandations (PNNS 4 en cours d’adoption). En effet, le Centre National Interprofessionnel de l'Economie Laitière (CNIEL) souligne les bienfaits nutritionnels et sanitaires de la consommation de trois produits laitiers par jour, tel que le recommande le PNNS alors que propositions de réformes du plan ramène cette proportion à 2.

​

De même, que l’on écoute Culture Viande (syndicat qui regroupe les principales entreprises françaises des viandes du secteur de la viande bovine, ovine et porcine en France) ou Interbev (Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes), les français ne consommeraient pas suffisamment de viande pour être en bonne santé. Ainsi, Culture Viande incite à la consommation de 100 à 150 grammes de viande par jour (quand le PNNS 4 n’en recommande pas plus de 70 grammes par jour et que le PNNS 3 conseille entre 100 et 200 grammes, à diviser toutefois entre la viande, le poisson et les oeufs).

Seul la FICT (fédération professionnelle, représentative des industries charcutières, traiteurs et transformatrices de viandes) a publié un communiqué contre le nouveau PNNS : elle souligne que les nouvelles recommandations ne prennent pas en compte les évolutions de la qualité de la charcuterie produite aujourd’hui en France, moins grasse et moins salée.

​

Les arguments économiques, environnementaux, éthiques et moraux ainsi que culturels sont également développés, dans des proportions variables par les différentes associations étudiées. Ces différents volets argumentatifs paraissent ainsi s’adapter aux différents registres utilisés aussi bien par les mangeurs dits omnivores que par ceux ayant adopté des régimes limitant les produits d’origine animale.

Il est également curieux de noter comment la notion de “patrimoine” est largement reprise et déclinée : pour la CNIEL, le patrimoine est laitier et pour la FCIT il est charcutier. Chez Interbev, tout un article est consacré au patrimoine que constitue la viande en France.

 

Au delà des industries productrices, transformatrices ou distributrices de produits d’origine animale, d’autres entreprises savent tirer profit de cet essor des protéines végétales et des produits d’origine végétale.

L’industrie agro-alimentaire friande de protéines végétales

 

Globalement, la part du végétal dans les protéines alimentaires ne représente encore que 30% en 2017. Mais cette part augmente significativement d'année en année, son rythme de croissance étant le double de celui des protéines d'origine animale.

 

Bonduelle - entreprise française spécialisée dans la transformation industrielle et conserve de légumes - dans un rapport de 2016 intitulé “Les protéines végétales pour nourrir le monde” encourage le développement des protéines végétales. La France s’orienterait vers une transition alimentaire comportant d’avantages de protéines végétales d’ici 2030. Cette transition s’expliquerait pour des motifs nutritionnels et environnementaux. Pour autant, la consommation de légumineuses en France a été divisé par 7 entre 1960 (7,3 kg/personne/an) et 2006 (1,4kg/personne/an).

Sur quels arguments Bonduelle justifie-t-il l’augmentation de la consommation de protéines végétales ? Les arguments nutritionnels et environnementaux sont mis en avant. Ainsi, les protéines végétales seraient meilleurs pour la santé car  :

  • riches en glucides complexes et en fibres

  • faible élévation en glycémie

  • pauvre en matières grasse, en graisses saturées et dépourvues de cholestérol

  • source de vitamines du groupe B et de minéraux

Bonduelle considère que les protéines végétales sont complémentaires entre elles. Si elles sont assimilées dans une période de 24h, aucune déficience en acides aminés essentiels ne peut être provoquée.

Concernant l’environnement, Bonduelle justifie le recours aux protéines végétales dans son rapport en citant des arguments déjà cités dans le rapport de la Commission Européenne de 2011 intitulé  “Rapport sur le déficit de l’Union en protéines végétales : quelle solution à un problème ancien ?” (réduction de la pression phytosanitaire, meilleure assimilation et fixation des légumineuses dans les sols, réduction de produits azotés etc..)  mais en se basant également sur des données de la FAO (réduction des émissions de GES, meilleur rendement, diminution du surpâturage etc…).

​

Bonduelle appelle à une nouvelle ingénierie des protéines végétales se traduisant par des investissements en R&D (projet européen LEGATO pour la réintroduction des légumineuses et plateforme d’innovation européenne IMPROVE) mais aussi par le développement de start-ups. Les thèmes d'innovations proposés sont : la valorisation des légumineuses au sein des matrices alimentaires et la lutte contre le surpoids et l’obésité, le développement

de “simil-viandes”, la mise en avant les atouts probiotiques et immunitaires de ces “produits intelligents”, l’intensification des recherches vers les micro-algues et les insectes et une meilleure communication moderne (réseaux sociaux) sur  ces informations de nutrition.

 

Face à ces suggestions, il est intéressant d’analyser l’intérêt du marché de la production et de la distribution agro-alimentaire pour les protéines végétales. Si des acteurs traditionnels des protéines végétales existent depuis plusieurs années sur le marché du “bio” et du “sain” (Sojasun, Céréal, Bjorg etc), on constate un intérêt croissant des protéines végétales chez des acteurs traditionnels, voir même chez des marques de viande (Herta, Fleury Michon, Le Gaulois etc…). Ainsi, Herta - première marque en France en charcuterie, jambon et knack -  propose un steak végétal à base de soja et de blé avec pour slogan “Le bon végétal : enfin du végétal qui a du goût”. Nutrition, plaisir et facilité sont mis en valeur. La grande distribution se lance également sur la voie de la végétalisation : Carrefour a lancé “Veggie”, Monoprix “Vegan deli”, Auchan, “Les végétariens” ou encore Leclerc avec  “Nat&Vie”. Enfin, certaines start-up joue sur le volet de l’innovation végétale comme Ici&là  (avec leur marque produit “Le boucher vert”) qui fait le pari de remettre en lumière les légumineuses de nos territoires à travers une démarche d’agriculture biologique et locale.

Le secteur des protéines végétales dispose d’un lobby : le Groupe d’Etudes et de Promotion des Protéines Végétales (GEPV). Il existe depuis 1976 et travaille avec l’interprofession des oléagineux et des protéagineux à une meilleure connaissance des protéines végétales. Le GEPV met en place des études de consommation et de perception des protéines végétales, rédige un blog, propose des kits pédagogique et écrit des lettres d’informations.

​

Selon le GEPV, les protéines végétales sont intéressantes d’un point de vue environnemental, nutritionnel mais aussi fonctionnel : en effet le GEPV milite pour une plus grande part des protéines végétales dans les produits transformés de l’industrie agro-alimentaire.

​

Il est intéressant de voir que le poids du GEPV reste assez relatif. Il n’a pas été convié aux réunions des Etats généraux de l’alimentation organisés par le Ministère de l’Agriculture. Suite à cela, en août 2017, le groupe écrit une lettre ouverte au Président de la République pour l’interpeller sur l’importance des protéines végétales dans l’alimentation.

​

Le GEPV ne peut être compris comme l’ennemi des lobbies de la viande : il milite pour une utilisation des protéines végétales dans les plats préparés à base de viande, afin d’en améliorer la texture et le profil nutritionnel (notamment, faire des produits moins gras).

bottom of page