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SOCIOLOGIE DE L'ALIMENTATION

L'alimentation, un programme de recherche de sciences sociales incarné 

Les sciences sociales ont investi le champ de l’alimentation il y a une dizaine d’années seulement. Cependant, ce programme de recherche prolifique a encore ses préférences : les produits carnés bénéficient de bien plus d’attention que d’autres aliments… et notamment de la part d’instituts de recherche pilotés par des lobbys.

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“Avant tout chose, nous mangeons des symboles” soulignait TREMOLIERES (nutritionniste français). Si l’acte de manger est consubstantiel à toutes sociétés, les études en sciences sociales sur l’alimentation constituent un programme de recherche depuis quelques années seulement : les premières études remontent aux années 1960 avec le constat d’une société de l’abondance alimentaire au sortir d’une période de crises et guerres mais l’investissement de l’objet de recherche date réellement de la fin des années 1990, coïncidant ainsi avec la crise de la vache folle. Ainsi, l’anthropologie, la sociologie ou encore l’histoire s’intéressent de plus en plus aux évolutions et représentations de l’alimentation.

Les objets de la sociologie de l’alimentation : des produits très carnés

 

Les questions des symboles de l’alimentation sont largement étudiées. Cependant, ces études se concentrent principalement sur l’étude des symboles des produits carnés (MECHIN, 1997). Si l’alimentation ne se résume pas à la viande, celle-ci a un poids important. Qu’elle soit présente ou non, les alimentations se définissent souvent par ce rapport à la viande (MUCHNIK, 2007) : marqueur de genre, de classe sociale, de lieu de vie ou encore de croyances religieuses, la viande, ou son absence, marque de grandes tendances sociales. Cette prolifération des études sur la viande ne s’accompagne malheureusement pas du même entrain pour d’autres catégories alimentaires (d’origine animale tels que les oeufs ou les poissons), à tel point que certains auteurs soulignent le manque de développement de recherches sur les symboliques des légumineuses par exemple.

Le champ de la sociologie de l’alimentation : l’incarnation d’un espace en développement

 

Il est intéressant de souligner la prédominance de certains chercheurs dans le champ scientifique de cette sociologie de l’alimentation : la discipline étant récente, les générations de chercheurs de sociologie de l’alimentation ne sont pas encore nombreuses. Claude FISCHLER, Jean-Pierre POULAIN ou Jean-Pierre CORBEAU font partie des premiers chercheurs à avoir investi par la sociologie le champ de l’alimentation. Leurs travaux pionniers ont structuré tout un programme de recherche qui se retrouve donc incarné par certains chercheurs, qui se développe dans des laboratoires de recherche dédiés, qui produit des concepts clés et des ouvrages phares, qui trouve leur relai auprès du grand public.

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Cette diffusion auprès du grand public s’effectue notamment grâce à des publications financées par des laboratoires de recherches, non loin desquels gravitent certains lobby. En effet, l’Observatoire CNIEL des Habitudes Alimentaires (OCHA), comme son nom l’indique, est pilotée par le Centre National Interprofessionnel de l'Economie Laitière (CNIEL) : il participe à la divulgation d’études importantes sur l’alimentation, qui irriguent la littérature à caractère scientifique sur l’alimentation.

L’alimentation est aujourd’hui reconnue comme un véritable facteur identitaire (MUCHNIK, 2007), quelque soit les sociétés considérées. A ce titre, les premiers travaux clés de la sociologie de l’alimentation font le constat d’une “gastro-anomie” (FISCHLER, 1979) c’est à dire d’une dérégulation des systèmes identitaires liés à l’alimentation moderne, prenant racines dans la société de surabondance, la baisse des contrôles sociaux de production alimentaire ainsi que la multiplication des discours prescripteurs sur l’alimentation et leurs contradictions.

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En effet, de nombreux facteurs rentrent en compte dans la prise de choix en terme de consommation des mangeurs : de multiples travaux s’attachent à établir le système d’arguments faisant sens pour chacun et pour certains groupes sociaux socialement et territorialement situés.

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Néanmoins, le rôle des sciences humaines n’est pas de prescrire. Par souci déontologique d’objectivité, la recherche en sciences humaines doit tendre à la neutralité, ce qui peut être parfois bien discutable.

L’approche en terme de risque est également largement étudiée : en effet, depuis la crise de la vache folle, s’inscrivant dans une évolution sociétale plus globale tendant à faire des risques la principale clé de compréhension du monde occidental moderne (BECKER, 1986), la question des risques est devenue structurante des alimentations. La place des produits carnés est largement étudiée sous ce prisme : la crise alimentaire de la vache folle étant l’un des déclencheurs de ce réveil sociologique, les sciences sociales de l’alimentation étudient cette question du risque. En effet, l’empoisonnement à l’échelle de l’histoire est une réalité qui a profondément marqué et façonné l’imaginaire social et l’anxiété est un invariant de l’alimentation humaine (POULAIN, 2002).

C’est également suite à la crise de la vache folle que ce chercheur date l’introduction des régimes végétariens, notamment au Royaume Uni. Cependant, il souligne également qu’en France la transition est peut être moins évidente compte tenu du très fort attachement à la viande, notamment à la viande de boeuf comme marqueur du “bien manger”.

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